Rencontre avec le parfumeur

Meet the Perfumer
Rencontre avec le parfumeur
Marie Salamagne
Oranges

Quel est votre plus vieux souvenir olfactif ? Il y en a plusieurs. Mes parents étant anesthésistes, j’ai gardé le souvenir vif de l’odeur des produits éthérés mélangée à leurs parfums que je sentais quand ils venaient m’embrasser... L’odeur de la gouache est aussi l’un de mes plus anciens souvenirs olfactif.

Quel est le premier parfum que vous ayez porté ? Et le premier que vous ayez offert ? Très jeune, j’ai le souvenir d’avoir souvent porté l’Eau Sauvage de mon père. Plus tard, vers 10 ans, j’ai choisi Tartine et Chocolat.
Chaque été, adolescente, lorsque je partais apprendre l’Anglais aux Etats Unis, j’emportais dans ma valise des parfums de Guerlain, emblème de la parfumerie française, pour la famille qui m’accueillait.

Quel a été votre mentor qui vous a le plus influencé, et pourquoi ? Olivier Cresp a été mon mentor lorsque je suis arrivée dans le centre de création parisien de Firmenich. C’est une personne d’une grande valeur qui transmet son savoir avec générosité. Il est à l’écoute des jeunes et veille toujours à respecter le style de chacun. Etre formée chez Firmenich, c’est avoir eu la chance de côtoyer également d’autres maitres, comme Alberto Morillas, qui m’étonne tous les jours par sa jeunesse d’esprit, sa vision, sa passion, ou encore Jacques Cavallier, qui connaît les matières comme personne. Chacun d’eux m’a apporté quelque chose de différent qui m’a permis d’avancer.

Quelles sont vos matières premières de prédilection ? J’aime les matières premières, celles qui nous racontent des histoires. Les résines, les bois, le patchouli et les agrumes sont parmi mes préférées. Ces senteurs sombres, profondes et mystérieuses me donnent l’opportunité de les transformer en quelque chose de moderne et lumineux. Le patchouli a ma préférence, je suis sans doute une vraie terrienne. J’aime l’ambiance de sous-bois qu’il évoque, l’enracinement dans un héritage. Je suis très attachée à ma terre d’origine, la Dordogne.

Quelle est votre style olfactif ? J’espère qu’il reflète ma quête de l’inattendu car je ne m’interdis rien. J’aime oser des associations inédites, explorer la matière sous un jour nouveau, donner un visage étonnant à une figure connue, découvrir de nouveaux sentiers, travailler des matières que je connais peu.
Je ne suis pas la mieux placée pour décrire mon style, mais à plusieurs reprises on m’a dit que mes créations sont salées, minérales.

Flower

Où trouvez-vous vos inspirations ? L’inspiration est une question de vécu et de parcours. Je la trouve dans mes souvenirs d’enfance olfactifs fondateurs. L’odeur des fleurs dans la maison familiale. L’association de couleurs à des matières premières, qui me font passer du figuratif à l’abstrait. Les voyages sont également une source intarissable d’inspiration et nourrissent nos souvenirs d’émotions olfactives particulièrement fortes. Ces vives émotions naissent de la découverte d’odeurs et de paysages qui nous transportent.

Le moment de la journée où vous préférez composer ? En fin de journée, je me sens libérée intellectuellement des nombreuses tâches accomplies sur mes projets. Mon esprit peut se concentrer sur la création. Le temps se trouve momentanément suspendu car je fais en sorte de ne pas être dérangée. Je dédie ces précieux moments à faire germer des idées que je pourrai exploiter plus tard pour les amener à des formes plus concrètes. Les idées jaillissent alors, fortes, mettant en scène les matières. J'imagine les textures, les couleurs, les volumes car je suis très visuelle.

Votre plus grand accomplissement en tant que parfumeur ? Mon métier de parfumeur prend son véritable sens à travers l'aventure humaine qu'il implique. L'acte créatif nait des rencontres magiques avec les personnes qui donnent vie aux marques. Ensemble, nous créons, développons des idées, échangeons pour accomplir un projet chargé d'émotion. La diversité de ces rencontres constitue la richesse de mes expériences.

Connaissiez-vous L'Artisan Parfumeur avant de travailler avec eux ? J'ai connu L'Artisan Parfumeur au travers du mythique Mûre & Musc que portaient certaines de mes amies d'enfance. Je continue à le sentir porté dans mon entourage et retrouve toujours la même émotion. Fraiche, féminine et colorée, elle n'a rien perdu de sa modernité et de son addiction. La Chasse aux Papillons a aussi particulièrement marqué mes jeunes années d'élève parfumeur car son auteur, Anne Flipo, a été ma tutrice de stage chez Charabot. Je pesais ses formules et j'adorais cette note.

Qu’est-ce qu’il y a d’unique chez L’Artisan Parfumeur ? L’Artisan Parfumeur rend hommage à la nature tout en inscrivant l’artisanat au cœur de ses parfums dans la plus pure tradition française. La marqué a été une vraie pionnière dans le segment de la niche, mettant en relief les matières emblématiques de la parfumerie traditionnelle avec une grande modernité.

Qu’est-ce qui vous a inspiré Histoire d’Orangers ? Histoire d’Orangers a été inspirée par l’un de mes voyages au Maroc. D’un périple dans la vallée de Souss, dans les contreforts de l’Anti-Atlas, entre Tazenaght et Taroudant, j’ai rapporté dans mes carnets, mes souvenirs odorants, des notes qui se dessinent comme des formules. J’évoque cette escapade, qui m’a profondément touchée, telle une parenthèse solaire à l’ombre des bigaradiers. J'ai en mémoire le coucher du soleil sur les remparts de Taroudant. La vallée prenait des teintes exceptionnelles, la lumière semblait chanter, intensifiant les couleurs de la terre crue. En l’espace de quelques minutes, l’atmosphère se rafraichit. A chaque fois que je repense aux paysages majestueux découverts lors de ce voyage sans retour, une eau de fleur d’oranger apparaît. Une eau délicate, baignée de lumière et de fraîcheur.

Qu’est-ce qui différencie Histoire d’Orangers des autres parfums à base de fleur d’orangers ? La fleur d’oranger illustre pour moi la lumière. Tendre, fraiche, éclatante, je la considère comme la plus moderne des fleurs blanches. Je l’ai associée ici, instinctivement à de délicieuses pâtisseries orientales. Liée à ces gourmandises, elle déclenche une vraie addiction. Le contraste apporté par une overdose d’Ambrox accentue aussi sa personnalité très distincte des fleurs d’oranger traditionnelles. Cette rupture se manifeste dans le jeu de la pureté de la fleur qui se frotte à la sensualité de cet ingrédient très moderne, celle de la peau chauffée au soleil, et dans le duo de lumière en clair-obscur, éclatante dans les pétales de fleur, sombre et mystérieuse dans le miroir de l’Ambrox.

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